Jos Tontlinger

Ce qui en finale m’y intéresse n’est pas tant l’image à l’arrivée, mais la manière par laquelle est m’est venue. Ce que je fixe en images, peut se formaliser à travers quasi n’importe quel sujet. Elles signent toujours le même processus qu’ensuite chaque spectateur peut se voir concordant avec ses propres et très singulières mouvances émotionnelles et psychiques, s’y retrouver, s’y reconnaître, s’y nourrir…ou pas. Elles parlent de vous.

Le travail que je produis se niche dans le domaine des sciences humaines appliquées, tout simplement et pas autrement. En soi, il n’explique rien, ne démontre rien, n’a aucun message, ni de revendication quelconque. Il invite à des déambulations introspectives dans les dédales piranésiens de mes imaginations des objets visités et fixés en image. Ce sont des vues « malgré moi ». Elles ne sont pas construites, ni calculées, ni reconstruites, ni recalculées, ni tramées, ni même attendues. Ce ne sont que des rencontres heureuses. Je vois des choses, elles me « parlent ». Je me fige, je fige ce que j’ai vu et c’est sur l’après-coup d’un mouvement ne semblant pas vraiment m’appartenir, que je me réapproprie l’image.

Dans ce sens, mon défi personnel consiste en une inversion, une torsion de regard : nous ne regardons pas le monde, mais c’est le monde qui nous regarde dès lors que nous le faisons exister par notre œil. Aucune image ne montre jamais ce qu’elle semble vouloir désigner, pas plus qu’elle ne peut montrer quoi que ce soit de supposé réel. Chaque vue n’est qu’interprétation de l’inter-représentation d’un réel en miroir de ce que nous désirons faire exister dans sa subjectivité parfaitement radicale. Dès lors, il ne saurait pas non plus être question d’un quelconque état statique, immobile de ces images apparentes qui, bien au contraire, ne sont que mouvement perpétuel, dynamique impossible à figer ni dans un discours trop restrictif, ni dans une saisie de sens univoque. C’est fondamentalement de plasticité existentialiste dont il est question ; là où le sujet est à tout jamais incertain et inépuisable…